Fabrice Raspati Auteur

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Une famille / Fleuve Amazone / Entre Manaus et Santarem / Brésil

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Ils sont 5 dans deux hamacs. Deux hamacs immenses. Deux hamacs au milieu de centaines d'autres. Une famille au milieu d'une centaine d'autres. Un couple avec un jeune enfant et deux adolescentes. Ils parlent fort, se taquinent, dorment emmêlés , se disputent parfois. Un matin, la maman vernit les ongles de l'une de ses filles. Un autre jour, elle coiffe la deuxième, démêlant avec tendresse l'écheveau de ses épais cheveux noirs. La nuit, les adolescentes ricanent, éclairées par les lumières blanches des écrans de leurs téléphones portables.

Autour, dessus, dessous, quelques 500 personnes entassées. C'est un voyage de 5 jours. De Santarem à Manaus, les balsas remontent ou descendent le fleuve Amazone, déposant ça et là des passagers dans d'improbables ports de bords de forêts. C'est un voyage de quelques noeuds à peine, ponctué de rares arrêts. Trois fois dans la journée une sonnerie annonce les repas. Alors, chacun des 500 passagers se lève et vient s'agglutiner dans la file d'attente. Pour s'attabler devant une assiette de pâtes et de riz, de haricots rouges ou noirs et d'une viande en sauce ou rôtie. Des assiettes obèses. Dans la famille de 5, ils se relaient pour qu'un reste auprès des bagages : plusieurs grandes valises neuves et bon marché, quelques sacs en plastique avec fermetures éclairs. Ce sont là toutes leurs affaires.Tout ce qu'ils ont extirpé de leur vie. 15 jours avant, ils étaient à Caracas, la capitale du Venezuela. Lui était boucher, elle boulangère. Un matin, ils se sont levés comme pour aller travailler et sont partis. Laissant derrière eux maison, terre, quartier, amis, famille. Traversant les frontières et la jungle on ne sait comment. Ils disent aller à Manaus...ou peut-être en Colombie, il y aurait là-bas des cousins. Ils ne savent pas vraiment, ils iront là où il y a aura un possible. Chez eux, la ligne d'horizon avait disparu. Ici c'est une parenthèse. Le bateau protège. Il est une niche provisoire et remonte le fleuve avec une lenteur rassurante. Il ont trois repas par jour. Ils ont des tickets payés. Pendant cinq jours rien ne peut leur arriver.



30/05/2021
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