Fabrice Raspati Auteur

Fabrice Raspati Auteur

Jasmine / Moyagalpa- île d’Ometepe / Nicaragua

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Jasmine coupe des légumes devant la télévision. A Managua, à Léon et dans d’autres grandes villes du pays la rue croule sous la haine. La foule hurle aux micros des télés, jette des boules de feu au coin des rues. La foule veut la peau du commandante Ortega. Le sauveur, celui qui a anéanti l’illettrisme, celui qui a terrassé la pauvreté, l’ami de Cuba et des anti-impérialistes, le haï des Américains est devenu l’ennemi  !

Face à la foule hors d’haleine la froideur de la police et de l’armée tranche. Ils sont grillagés, protégés par du métal et du létal. Ils vont tirer, ils vont charger, ils le savent. Ils sont prêts à tuer. Ils attendent calmement les ordres. Ils savent que les voix contre, c’est les yankees qui veulent acheter le pays comme ils le firent dans le passé. Ils savent qu'une grande partie des pauvres est derrière eux. Ici les écoles, les hôpitaux et les routes sont gratuits et ça c'est l'oeuvre du commandante !

Jasmine prépare un Tilapia, un des poissons du fleuve. Elle gratte ses écailles, vide son ventre et le rince des restes de viscères.

Les ombres des images dessinent des formes sur les murs de bois et de palmier de sa cuisine.

Elle sort et regarde le lac Nicaragua, un des plus grands d'Amérique latine. Il s’étend plus loin que ses yeux. Le courant tapote les pierres de l’escalier qui descend jusqu’à la barque de bois peinte en rouge avec laquelle ses voisins vont pêcher. Le soleil se couche paisiblement en oranger et en bleu pâle. La pluie s’est arrêtée. Les nuages ceinturent le cratère du volcan Conception, un des deux volcans de l’île.

La côte parait lointaine et les grandes villes du pays c’est quasi l’étranger. La vie est paisible. La vie agitée d’ailleurs ne concerne pas Jasmine. Elle est née ici et y a toujours vécu. Elle sait que personne ne pensera à elle ailleurs. Ailleurs, elle n’existe pas. Tout ce qu’elle a c’est à elle et à Carlos qu’elle le doit. Elle prépare à manger pour la famille et les quelques touristes égarés qui dorment ici. Carlos enfourne les poissons dans le four en adobe qu'il a construit. Il vient d'en sortir le pain qui refroidit sur le côté.

Chaque jour est un jour de travail.

Chaque jour ressemble au précédent.

Chaque nouveau jour ressemble au suivant.

La saison des pluies, quand elle débute, rappelle qu’une année est passée.

Les bruits de la télé rappellent que le monde ailleurs n’est pas aimable.

Le clapotis du lac rappelle qu’ici est  le but déjà atteint.

 



03/08/2019
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