Fabrice Raspati Auteur

Fabrice Raspati Auteur

Isaías / Tzununá- lac Atitlan/ Guatemala

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Isaías sème.

Il dépose sur le sol une ligne horizontale de minuscules graines d’amarante, les recouvre de sable et de terre. Très peu. Pour qu’elles puissent pointer vers la lumière sans s’étouffer. Il referme son sachet et le place dans son sac de cotton tissé. Juste à coté de celui de frijoles, les haricots rouge que l’on mange avec les tamales, le maïs cuit dans la  feuille de palmier.

Avant de regrouper ses outils, il regarde avec satisfaction le carré de jardin qu’il vient de travailler. Il a retourné la terre, l’a débarrassée des pierres les plus grosses, l’a enrichie d’une autre couche prélevée aux pieds des caféiers et l’a mélangée avec celle retournée. Il l'a parsemée de fumier de poules avant de tout bêcher. Il a creusé avec ses doigts des trous pour y enfoncer les plants de salade, de betteraves et d’oignons. Des rangées de 3, de 25 cm de distance, pour que les racines puissent s'ancrer dans le sol librement. Il regarde son œuvre en souriant, la main appuyée sur sa bêche. Un peu de sueur sèche sur son front. Les plants de laitue ressemblent à des langues vertes sortant du dedans. Quelques gouttes d’eau en suspension attendent le vent pour glisser et rentrer dans la matière. C’est le 30ème potager qu’il ensemence à Tzununá, dans cette communauté. Isaías est Maya, il parle le cakchiquel. Son peuple ne cultive plus que du café. Pour le vendre. Et du maïs pour se nourrir. C’est presque leur seul aliment et les enfants souffrent de malnutrition. Ironie du sort,  Maya signifie maïs !

Isaías a 28 ans. Ils sont neuf à avoir créer une association pour réapprendre à leurs frères à semer. C'est son Nawal. Des Nawals il y en 20 et ce sont toutes les énergies de la terre. Chaque être humain en a un et le sien est Q'anil. C'est la semence, la fertilité, la récolte. Ce sont souvent des agriculteurs, des gynécologues ou des psychologues. Le nawal donne sa place dans le monde.

Il arpente les jardins de tous les endroits autour du lac où on veut l’écouter. Il vient avec ses sachets de graines, sème, récolte, explique et doit souvent convaincre. Ceux qui travaillent avec le tourisme, ceux qui veulent partir illégalement aux États-Unis, ceux qui vont à l'église évangéliste, ceux qui se saoulent.

Isaías ne fait aucune morale, il s’en remet à l’intention que l’on met dans les choses.

Une terre bien travaillée rend au centuple.

L’abondance est à portée de main. 

 



13/09/2019
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