Fabrice Raspati Auteur

Fabrice Raspati Auteur

Luis / San Lucas- lac Atitlan/ Guatemala

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Luis vient du Salvador. Il vit à San Lucas au Guatemala depuis deux ans. Sa peau est cuivrée et son visage est plus finement dessiné que celui des Mayas.

Ses cheveux sont châtains et légèrement bouclés. Il les attache en queue de cheval laissant les deux côtés de son crâne rasés. Plusieurs pendentifs métalliques décorent ses oreilles et le font ressembler à un Iroquois.

Il travaille pour l’institut méso-américain de permaculture. Aujourd’hui un groupe d’une vingtaine d’enfants d’une école de la région est venu pour un atelier. Luis arrache quelques mauvaises herbes dans la partie du jardin réservée aux plantes médicinales. Il égrène en riant une des nombreuses perles du grand chapelet des horreurs commises en Amérique centrale : la guerre civile du Guatemala. Démarrée peu de temps après que les États-Unis aient organisé un coup d’état destituant le président qui voulait réformer le système agraire du pays.

Voilà le sujet qu’il jette dans les airs purs et bleus qui décorent le lac Atitlan. Les enfants Mayas l’écoutent avec attention lorsqu’il évoque les 200 000 morts du conflit, dont 80% d’indigènes.

Il montre ensuite avec le même enthousiasme le système de récupération des eaux usées qui sert à fabriquer, à partir des excréments humains, un compost riche en nutriments. Il enseigne le fonctionnement du four solaire et fait goûter quelques grains de riz cuits à l’intérieur. Le sourire des enfants éclate comme une papaye mûre tombée d’un arbre.

C’est le moment de découvrir les «3 hermanas», les trois sœurs.

Trois plantes qui s’entraident. Le maïs grimpe droit vers le ciel et sert de tuteur aux haricots rouge qui s’y accrochent comme du lierre. Le haricot fixe l’azote qui fertilise le sol. Et l’ayote, une sorte de courge, pousse sur le sol protégeant par son végétal des excès d’eau. 

Luis montre du doigt une maison immense juchée sur l’autre rive. Elle est la propriété du directeur de Monsanto Guatemala. 

Hilare, il recommande de ne pas divulguer l’histoire des trois sœurs qui obligerait l’entreprise à fermer ! 

Il emmène enfin gaiement les enfants dans la banque la plus riche du monde comme il la nomme. Dans une petite salle sont regroupées toutes les semences natives du lac. Il ouvre plusieurs boîtes de laiton à l'intérieur desquelles  les enfants plongent leurs mains. Ils sentent ainsi la finesse des graines d’amarantes ou la fermeté de celles de courge.

Andrea, la cuisinière Maya fait goûter les gâteaux qu’elle vient de faire cuire. Chocolat, amarante, sésame et panela. C’est le moment que choisit Luis pour rappeler que la propriété des terres issue de la conquête espagnole perdure, et que la grande majorité des sols est détenue par 10% de propriétaires.

A chaque enfant il remet une poignée de semences qu’ils devront faire toucher à leurs parents. Il leurs conseille de les cacher, car le pays a voté une loi interdisant le don de semences hors licence. Ils sont donc à cette seconde même des «bandidos» mais il promet de ne pas les dénoncer !

Luis, étonnement, semble ne pas connaître la colère.

Les graines qu’il sème chaque jour dans la tête de ces jeunes pousses le met à l’abri de tout sentiment négatif.

La rage pense t'il le priverait de la vie savoureuse.



27/09/2019
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