Fabrice Raspati Auteur

Fabrice Raspati Auteur

Mila / Nabusimake - Sierra Nevada / Colombie

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Tout n’est qu’une répétition de l’enfance.

 

Mila s’appelle Milagro ( Miracle) mais tout le monde dit Mila. Sa mère était Arhuaco, son père Colombien. Elle est venue au monde à Nabusimake, le pays où le soleil est né. Le village se trouve à trois heures de piste de Puerto Bello, une ville dénuée d’âme.

 

La jeep valse sur une route qui grimpe dans un couloir de terre rosée. Mila s’accroche à une des poignées pour ne pas que sa tête heurte le métal. Cette route est un pogo sans fin, on dirait que la voiture est attachée à un fil qui la tracte vers les hauteurs de la Sierra en la faisant basculer par-dessus les rochers.

Après avoir franchi deux fois la rivière le couloir de terre s’élargit sur une vue de la forêt, parsemée de huttes arhuacos. Base de pierres en carré, mur d’adobe, toits de palmiers. Comme certains papillons sur les branches des arbustes on ne les voit pas, elles sont fondues au milieu de grandes prairies.

Mila connaît bien ce chemin; mais aujourd’hui est un jour particulier car elle transporte un trésor:  Des livres, des stylos, de la peinture, des pinceaux, des craies, un dictionnaire.

Nabusimake est protégé du grand monde, elle est propriété collective du peuple arhuaco. Pour y pénétrer il faut s’acquitter d’un droit d’entrée. Peu de touristes viennent, la route est un repoussoir et pour beaucoup il n’y a rien. 

Pour Mila il y a tout.

Le fleuve aux grandes pierres polies qui descend des montagnes hautes de presque 6000 m. Le village est édifié autour de lui et l’eau coule paisiblement en son milieu. Il n’y a qu’à tendre les bras pour s’en nourrir. Son potager qui donne fruits, légumes, café. Des moutons et des cochons qui ratissent l’herbe et la font ressembler à un gazon anglais.

Autour, la jungle offre le bois pour les maisons, les plantes pour se soigner, et les palmiers la paille des toits.

Le sang des Arhuacos coule dans les veines de Mila mais elle ne vit pas à leur manière. Eux portent habits traditionnels blancs, sacs beige, blanc et noir en laine de brebis et de longs cheveux noirs; ils observent beaucoup, parlent peu et prennent soin avec gravité de la Sierra Nevada.

Mila ,elle, est volubile, porte jean et polaire, rit facilement et prend soin d’eux. Elle a créé une école dans le village pour les enfants qui ne sont pas en âge d’être scolarisés. Chaque matin une trentaine vient dans sa maison et elle leur apprend rudiments d’espagnol, chiffres et chansons. Ils repartent souvent avec un fruit ou un légume du potager. Personne n’a rien à payer.

Aujourd’hui elle revient de Valledupar avec du matériel scolaire offert par des amis. En déchargeant elle pense à ses parents qui lui ont appris à donner. Quand il y a assez pour soi il est normal de partager avec la communauté. Donner est le geste premier qui permet tout.

 

Tout n’est qu’une répétition de l’enfance.

 



13/06/2019
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