Fabrice Raspati Auteur

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Hervé 2 / Guyane / fleuve Maroni

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La pirogue, trop chargée en humains et en marchandises est bloquée dans un des sauts de la saison sèche. Enfoncée entre deux roches grises/noires elle ne bouge plus, malgré les efforts du Takariste qui s’arc-boute sur son immense bâton.

Hervé se met à l’eau avec quelques autres. En pantalon de toile et torse nu. Certains, sur le bateau, assis sous le soleil qui gifle les corps enchaînent les bières et crient. D’autres, comme à chaque arrêt, protègent les enfants avec des bouts de tissus.

 

Des arrêts il y en a eu beaucoup se dit Hervé :

Sur des bouts de terre isolés ou des pontons vermoulus. A peine la pirogue s’approche que surgissent d’on ne sait trop où celles et ceux qui attendent leur livraison: un panneau solaire, quelques sachets de pain industriel ou des conserves; souvent très peu de choses car ici l’argent manque.

Sur des plages vides au pied de cette forêt tellement verte. Pour que chacun satisfasse ses besoins naturels. Les hommes urinent dans l’eau à quelques mètres et les femmes s’éloignent à l’abri des regards pour revenir un peu dépenaillées pour les moins discrètes, remettant leur habit au pied du bateau.

 

Hervé attend les ordres du piroguier qui dirige la manœuvre de déblocage. Le courant, vigoureux, frappe les chevilles et il n’est pas aisé de rester debout.

On tire, on pousse, on gueule, ceux qui sont à l’eau ne semblant pas d’accord avec les options proposées par ceux qui sont restés au sec.

D’autres pirogues plus légères passent tout près, indifférentes. Rien ne bouge.

Hervé, épuisé par les courants et par l’inutilité des efforts déployés, s’assoit sur un rocher. Il en profite pour observer une barge d’orpaillage qui se trouve dans son dos. Elle crache ce jus putride de boues toxiques qui salit le fleuve. Elle est nichée du côté surinamais, ainsi la gendarmerie française n’a pas le droit d’intervenir.

Le fleuve, la source de vie ici, est aussi souillé par ses habitants; ici tout le monde jette ses poubelles dans l’eau. A certains endroits elle est trop polluée pour la boire ou pour pêcher mais comment faire autrement ?

Perdu dans ces pensées Hervé ne voit pas la pirogue qui repart dans son dos. Lorsqu’il entend les cris des passagers et qu’il se retourne, il est seul au milieu du fleuve et la pirogue, enfin emportée par les courants, s’éloigne impitoyablement.

 



16/03/2019
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