Fabrice Raspati Auteur

Fabrice Raspati Auteur

Gustavo/ San José / Costa Rica

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Gustavo est enthousiaste ! Derrière sa barbe clairsemée il sourit. C’est une sacrée bonne journée qui se clôt. L’argent a coulé à flots. Il a fait les bons gestes, a su doser ses efforts. Il se souvient avec plaisir de son maître d’école qui conseillait de ne jamais s’énerver. De laisser les émotions passer dans le corps, qu’elles étaient toujours de mauvais conseil. Qu’après on pouvait agir, jamais avant ! Exactement ce que Gustavo a fait aujourd’hui dans les rues de San Jose, la capitale du Costa Rica. Les étrangers étaient partout, visitant cette ville ni belle, ni laide. Cherchant dans les agences le bon plan pour aller dans un des parcs naturels du pays.

Gustavo s’est posté devant les devantures des tour operator. Chaque fois qu’il a vu sortir un étranger le sourire aux lèvres, apparement heureux de la transaction, il s’est levé. Et l’argent a coulé à flots.

Il compte les billets dans ses mains. Ces beaux billets colorés qui représentent des animaux sauvages. Gustavo a deux cerfs, ce sont les roses. Trois requins, ce sont les bleus. Et un jaguar, ce sont les jaunes. Exceptionnel ! Bien longtemps qu’il n’avait pas eu un jaune! Tenant le billet entre ses deux mains, il apprécie la qualité du papier et la beauté de l'animal transpercé par la lumière du soleil couchant.

Gustavo range ses billets dans ses veilles Nike noires trouées par la transpiration. Il inspecte les croûtes sur ces chevilles. Elles ont arrêté de suinter le  pus jaunâtre qui sentait si mauvais et on dirait qu’elles commencent à sécher. C’est vraiment une belle journée ! Il croque à pleines dents dans le reste de sandwich jeté dans une poubelle par une Américaine. Il se lève mais ça se met à tanguer. Fort. Très fort. Il s’appuie contre un poteau. Il sait que, comme chaque soir, la matière de son esprit est en train de de se dissoudre. Les mots du médecin de l’hôpital lui reviennent : « 3 mois dans la rue et les dommages psychiques sont irréversibles ! » Et 3 ans alors pense-t-il en riant?

Ici c’est la pieatonal, la rue des magasins et des étrangers. Une rue derrière, comme dans beaucoup de grandes villes d’Amérique centrale c’est la zone. Au Costa Rica où il n’y a pas d’armée la police est plus douce que dans son pays, la Colombie. Mais il ne doit pas faire de mal dans la pietonal. Seulement tanguer d’un étranger à l’autre. Ou bien il ne pourra plus revenir. Gustavo lâche le poteau, redresse la tête et fixe le bout de la rue où il aperçoit quelques-uns claudicants, une bière ou une seringue à la main. Il se jette sur ses jambes, à nouveau enthousiaste, bien décidé à rejoindre le bout de la rue avant l’inconscience  !



26/07/2019
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