Fabrice Raspati Auteur

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Damien / Granada - Garden cafe / Nicaragua

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Damien est assis dans un des fauteuils confortables de la grande salle du "Garden cafe" et raconte la route tracée depuis 20 ans.

Sa rencontre avec Xiomara, la mère de ses enfants et la découverte à travers ses yeux du Nicaragua, son pays.
Chaleur, moiteur, lumière crue et perçante, pluies brutales et tièdes, volcans, parfum des mangues, pauvreté et complexité politique, incroyable gentillesse du peuple, café rond et parfumé, maisons familiales où jusqu'à 4 générations se partagent l'espace, poèmes exubérants de Ruben Dario, places centrales de Granada et Léon, quiétude de l'île d'Ometepe.

Il s'interrompt. Ses yeux regardent loin en lui pour rattraper le passé. Une façade de maison du 17ème siècle, vestige de la conquête espagnole. Façade décrépie, lézardée, noble aussi avec son épaisse porte boisée et sculptée à deux battants. Grand sol de terre battue. Tuiles de terre cuite posées sur une structure en bois. Hauts plafonds qui diluent la chaleur.

Xiomaria et Damien avaient 23 et 29 ans. C'est devant cette façade qu'ils décidèrent que c'était là, à Granada, sur les bords du lac au visage de mer qu'ils allaient donner corps à leur rêve.

Lui, le californien allait s'installer dans un pays réputé communiste et endommagé par l'entrisme de sa nation. Ils se retroussèrent les manches et un soir de 2007 naquit le "Garden café".

Quand on demande à Damien ce qu'il voulait faire ici au Nicaragua il répond qu'il voulait que les habitants aient une vie meilleure. Que lui enfant nord-américain avait beaucoup reçu et qu'il était temps de rendre. Quand on lui demande ce qu'est une vie meilleure il réfléchit pour choisir les bons mots : Si dans une communauté ou un pays la vie de chacun des individus ne s'améliore pas, la communauté, le pays, par le jeu des interrelations, meurt sans même le savoir. L'inverse, c'est une vie meilleure !

Depuis Damien n'a pas vu le temps glisser. Il a fallu s'approvisionner en produits frais de ces terres, des produits non traités. Un pari là ou les pesticides sont rois. Inventer une cuisine simple, chargée de matière. Trouver des collaborateurs alors que les investisseurs étrangers dénoncent le manque de sérieux. Il a surpris en proposant contrat de travail, congés payés, congés maternité, mutuelle, un salaire décent permettant parfois de faire vivre toute une famille. Ils étaient 4 employés au départ, ils sont 30 maintenant et tous ont eu envie de rendre la confiance offerte.

Apprendre à parler sans se sentir jugé ou en danger afin que chacun soit entendu fut un autre pari dans un pays habitué aux chefs tout puissant. Mais comme souvent quand elle est au service d'un commun la parole l'a emporté.

Même si rien n'est jamais acquis ils sont un village dans la ville. Un village solidaire.

Damien et Xiomara ont aussi créé un magasin d'art et d'artisanat avec des artistes nicaraguayens dont les oeuvres voyagent désormais dans le monde entier, puis une fondation qui permet d'accéder à des cours d'informatique gratuits.

Ici, on peut croiser des touristes attirés par la nourriture, le magasin d'art, les hauts plafonds bardés de ventilateurs, ou des habitants de Granada venus parler affaires, ou encore des jeunes femmes bruyantes sortant d'un cours. C'est toujours joyeux ! Paisible aussi, le matin, quand l'air balaie le patio rempli d'essences tropicales autour desquelles on s'installe sur des tables de bois foncé pour un café ou un jus de fruit frais.

Damien s'arrête de parler. Gêné de s'être livré il part rapidement, d'un pas énergique, semblant vouloir se démener encore et toujours pour que la vie meilleure poursuive son chemin.

 

 



02/06/2020
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