Fabrice Raspati Auteur

Fabrice Raspati Auteur

Chimpanzé !

 

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J’ai vu l’agenda sur mon bureau avec ma liste de rendez-vous et j’ai eu peur, j’ai pensé au mot mort immédiatement, j’ai pensé à quoi ça sert d’être là ?  Payer impôts-manger-boulot-bureau-dodo !

 

T’as rien appris ? Bientôt 37 ans et toujours la boite crânienne à réaction, les neurotransmetteurs qui s’emballent, s’invectivent, se bousculent, le corps qui se tend, la mâchoire qui se raidit.

 

Mon profil devient simiesque, mes poils poussent d’une traite, mes jambes ne me portent plus, je marche à quatre pattes, je deviens un singe, un chimpanzé.

 

Je grimpe aux murs, je cherche des lianes, je gratte les peintures, reste accroupi sur l’armoire grise de mon bureau. Mon bureau, Mon bureau, le possessif m’exaspère, mon bureau, 10 ans de ma vie dans ce genre d’endroit à quoi bon ?

 

Plus que 30 ans avant la retraite, 40 avant la maison de retraite, ou bien, plus que 10 ans avant l’infarctus du myocarde !

 

Continuer avec une petite femme, une petite maison, un petit salaire, continuer jusqu’à la fin, continuer jusqu’à l’absurde, poursuivre ma schizophrénie latente.

 

Ou bien sauter dans le vide ?! Je peux, je suis un chimpanzé immense avec un torse puissant et des bouts d’aile sous les aisselles.

 

Je peux passer de branche en branche, manger des mangues devant la montagne, tenir ma guenon par la main.

 

C’est grâce à ma guenon que j’en suis là, c’est elle qui m’a montré mes ailes sous les aisselles, c’est elle qui m’a soulevé les bras et je me suis senti libre, je me suis senti uni à elle et porté, tiré, aspiré vers le haut.

 

J’en ai les yeux embués rien que d’y penser.

 

M’en fous un chimpanzé ça a déjà les yeux rouge! Et puis le ridicule n’a pas de prise sur nous les singes.

 

Hoop, deux demis bonds et je suis sur le toit en face, deux galipettes et je descends le long des pierres, m'aggripant aux lierres des façades.

 

Je croise le regard de deux vieilles aux yeux violets, claquemurées dans leur dedans, tétanisées devant leurs télés.

 

J’effleure le bitume tellement je fonce !

 

On m’appelle au téléphone : serais je à la réunion de chantier demain ? Non, faudra voir avec quelqu’un d’autre, un autre membre du cirque, un autre enfermé mental!

 

Moi, je suce le goudron avec mes pattes, je vole sur des notes de piano, j’ai toujours écouté beaucoup de musique pendant ma détention.

 

Je  suis sur les remparts de la vieille ville, je me dresse face à la mer.

 

Je me bombarde le torse, laisse monter un immense frisson le long de mon dos.

 

J’ouvre les bras, j’écarquille mes ailes et je saute dans le vide, les yeux ouverts comme jamais.

 

Un peu de poussière de livre bloquée dans mes poils me ralentit, mais mes ailes sont puissantes.

 

Je m’envole et ma guenon sourit, je le sais, quelque part sur cette terre ma guenon sourit.



24/03/2024
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